Pages

jeudi 6 octobre 2011

Chronique de l'indispensable Monsieur Jean-Pierre, chroniqueur mondain, du 2 octobre 2011

Il y a des soirs, des minutes, des instants, enfin où, subitement le monde paraît beau. Le ciel est limpide au-dessus de la ville, le soleil commence sa course vers notre nuit, l'air est doux et fraternel et les visages, même, dans l'autobus, aux terrasses des cafés, rayonnent de ce je ne sais quoi qui les rend aimables et gais. Il y a la magie de ce qui ne peut se dire mais seulement être senti au plus profond de soi, sans mots, sans explications. Tout ce qui, souvent, semble n'être pas à sa place - les immeubles trop hauts, la circulation automobile, la confusion urbaine – tout cela n'a plus vraiment d'importance et le regard que l'on porte sur ce qui nous entoure est comme lavé et rafraîchi.

Pour moi, ces moments de grâce me ramènent à ces expériences, si rares et précieuses où il m'a été donné de me retrouver, certaines nuits, en pleine campagne ou en bord de mer, allongé à même le sol, à me laisser gagner par cet indicible frisson que procure la présence, là haut, des myriades de soleils, d'étoiles et de galaxies qui tournent et roulent depuis l'infini des temps. Pensez, imprégnez vous de cette réalité proprement insondable, inimaginable : l'univers, les univers, s'étendent et se meuvent dans toutes les directions, ils ont toujours été là, se transformant, voyant naitre et mourir des soleils, des planètes, des étoiles et des galaxies entières. Les univers ne commencent pas en un point donné de l'espace, ils remplissent l'infini de l'espace et du temps. Quoi que nous puissions tenter d'imaginer, nous sommes dans l'incapacité absolue de saisir ce Tout, cette énormité prodigieuse qui est sans limites.

J'ai souvent pensé être un atome, ou une de ces particules dont on vient de découvrir qu'elles allaient plus vite que les photons lumineux. Quelques milliardièmes de seconde en plus. Et c'est assez que pour bouleverser les acquis de la physique. J'étais cet atome ou ce neutrino et je me lançais dans l'espace. Vers le haut, d'ici, de la surface de ce monde-ci. Et je voguais et filais et montais et montais encore, dans l'espoir d'arriver dans un ailleurs, d'être confronté à une frontière, une limite. Hé bien non; cela est absolument impensable. Il n'y a pas de limite, il n'y a pas de point d'arrêt, de halte possible. Le voyage, que j'imaginais avoir commencé en un point donné, n'avait en réalité pas commencé; ni nulle part, ni jamais. Le voyage est là, a toujours été là, de toute éternité, sans début ni fin. Où que le regard porte, où que les engins d'exploration lancés vers l'espace peuvent conduire, on ne peut échapper à ce vertige prodigieux qui effrayait tant le pauvre Blaise Pascal qui préférait se rassurer en évoquant Dieu.

Je me souviens avoir assisté, il y a bien longtemps, à une conférence, à l'observatoire de Cointe, sur les hauteurs de Liège. On y discutait du Big Bang. Vous savez bien, cette théorie qui énonce qu'à un moment donné, il y a de cela des milliards d'années, l'énergie et la matière fondatrices étaient concentrées dans une tête d'épingle. Et que tout à coup, sans crier gare, il y avait eu cette formidable explosion-dilatation qui avait donné naissance aux univers, se répandant à l'infini... J'avais alors levé le doigt et demandé à l'intervenant ce qu'il y avait là, quelques millionièmes de secondes avant cette naissance; et qui ou quoi avait décidé de ce moment. Et le type avait rigolé. Et des gens très instruits, dans le public, s'étaient mis à rire aussi; mais cela ne m'empêche pas de continuer à me poser la question.

Voilà. J'ai seulement envie de vous dire ceci : si nous, infimes petits bouts de légumes que nous sommes dans cette merveilleuse soupe universelle levions un peu plus souvent les yeux vers le firmament, nous en viendrions peut-être à la conscience de ce que nous participons d'une même et commune destinée. Dont la grandeur et la beauté sont sans commune mesure avec les pathétiques et dérisoires questions d'argent, de marchés, de dettes et de crises de toutes sortes dans lesquels nous sommes tenus de nous débattre, contre notre gré et pour notre malheur. Il ne s'agit pas de nous mettre à l'abri, la tête dans les étoiles, ou d'être «dans la lune» mais, bien plutôt, de nous remettre au cœur et à l'âme ce qui nous lie à tout ce qui est là. Tous les hommes sans distinction, les animaux, les plantes, le ciel et ses nuages; les étoiles et nos rêves.

Source : http://www.facebook.com/note.php?note_id=279535422070465

Aucun commentaire: